HELVETIA SCI
Sur la parcelle au-dessus du Col de la Croix où 18 chèvres avaient été mises en 2021, ce sont 17 chèvres et 9 jeunes qui ont abroutis les vernes en 2022. De la race Col fauve, ces belles bêtes ont instinctivement passé leurs jambes par-dessus les arbustes en descente ce qui leur permettait de manger jusqu’en haut l’aulne vert et donc d’avoir une action conséquente d’effeuillage de l’arbuste envahissant. La météo a cependant obligé la bergère à les descendre plus tôt dans la saison que prévu. Les chèvres sont ainsi redescendues le 9 septembre au lieu du 9 octobre et n’ont donc pas entamé l’écorce.
Le travail pour la fermière a été bien plus conséquent en 2022 qu’en 2021 car la présence avérée du loup l’a incitée à rentrer les chèvres toutes les nuits. Aucune attaque de prédateurs n’a donc été recensée dans les Arpilles ce qui permet d’assurer la suite du projet avec le propriétaire des chèvres en 2023. Le 4ème fil mis pour le loup a permis aux chèvres d’être en sécurité la journée et tranquilles dans l’étable la nuit.
Entre le contrôle des clôtures, aller chercher les chèvres le soir et sortir le fumier chaque semaine, la fermière a estimé son travail à 1h30 par jour. Une indemnisation a donc été demandée au Canton de Vaud avec l’aide d’un conseiller agricole de Prometerre1 afin qu’elle soit indemnisée pour la surcharge de travail occasionnée par le loup.
Comme expliqué à un membre du Conseil national qui a interrogé au sujet de la rémunération de la fermière, aucun budget n’a été prévu pour payer la bergère car ce projet est basé sur un échange de bons procédés. La fermeture des alpages est un vrai enjeu pour les paysans suisses. Agroscope définit la problématique de l’expansion de l’aulne vert autant au niveau agronomique qu’écologique. En plus de diminuer la qualité fourragère des alpages, l’aulne vert favorise l’acidification des sols et augmente l’émission de gaz à effet de serre. En raison de sa densité, cet arbuste diminue la biodiversité végétale et animale. Plusieurs initiatives existent donc pour réduire la présence de l’aulne vert et les chèvres sont connues pour être un petit ruminant efficace contre cet arbuste.
En dehors du travail conséquent dû à la présence du loup, la bergère est donc contente de s’occuper de chèvres qui sont censées rouvrir les pâturages. C’est un bétail qu’elle affectionne et le contact avec le détenteur des Cols fauves a été très bon. Contrairement à l’année passée, les chèvres étaient bien vermifugées et l’éleveur a été incroyablement surpris au retour des chèvres car elles avaient 0% de vers ce qu’il n’a jamais vu. Il est en effet connu que le tannin est antiparasitaire car il crée un milieu défavorable aux vers dans les intestins. Il faut cependant souligner que l’été 2022 a été très sec, contrairement à 2021 qui avait été très pluvieux, ce qui a aussi probablement eu un effet sur l’état sanitaire des bêtes.
1 Association vaudoise de promotion des métiers de la terre.
Étant donné que les chèvres ont été redescendues en septembre et que l’écorce n’a pas été rongées, il est prévu de faire abroutir les vernes par des chèvres sur cette parcelle de l’alpage des Arpilles encore 2 ans minimum afin que les vernes ne repoussent plus à cet endroit. Ensuite, il pourra être envisagé de clôturer une nouvelle parcelle sur cet alpage au-dessus du Col de la Croix.
Il est prévu de reproduire ce protocole sur d’autres alpages vaudois et bernois afin d’atteindre les 10ha visé d’ici à 2040. Le responsable logistique est en lien avec un éleveur vaudois et des éleveuses bernoises vont peut-être également participer au projet.
Le responsable logistique du projet est allé 5 fois sur l’alpage (mettre les piquets, rencontres avec les chasseurs, etc.). Il a également été présenter le projet au membre du Conseil national à Gstaad avec la coordinatrice. Un total de 310km qu’il a ainsi réalisé ce qui représente 220 CHF de déplacement. Il n’a pas eu à défaire le parc car la bergère a décidé de s’en occuper seule. Elle a rentré tous les piquets dans l’étable de peur qu’ils ne s’abîment. Il faut également préciser qu’elle a utilisé des smarth-fences (dérouleur de 4 fils) pour séparer le parc en bandes de 20 mètres de large. Elle a fait cela pour que cela soit plus facile de récupérer les chèvres le soir car ces clôtures ont évité qu’elles se dispersent. Le chevrier a de plus expliqué que lorsque la pâture est souillée, les chèvres ne veulent plus manger. La fermière a donc pris l’initiative de déplacer les chèvres toutes les semaines et laissait les parcs vides 15 jours pour s’assurer que les parasites meurent dans les parties du parc où les chèvres avaient été. À la fin de l’été, la fermière a ouvert la totalité du parc pour que les chèvres écorcent les vernes de toute la parcelle mais le manque d’herbe a obligé les bergers à redescendre le bétail plus tôt que prévu (vaches et donc chèvres). Les 10 derniers jours, deux boucs ont été mis avec les 17 chèvres pour la reproduction et la fermière a remarqué qu’elles ont alors moins mangé (herbe comme arbustes).
En ajoutant le fait de rentrer les chèvres et de sortir le fumier, le travail de la bergère a donc été de 130h sur 87 jours en 2022 alors est qu’il a représenté 30h sur 2 mois en 2021. Cela représente un minimum de 3 400 CHF2 qui a été pris en charge par la Canton de Vaud en tant qu’aide à la coexistence avec le loup.
Malgré qu’il habite dans le canton de Fribourg, donc à plus de 100 km de l’alpage et qu’il a dû faire trois voyages (paille, monter les bêtes, les descendre), le propriétaire des chèvres a quand même dit avoir beaucoup apprécié cette expérience et vouloir la réitérer l’année prochaine sans aucune aide financière. En effet, l’éleveur a été très content de confier ses bêtes à une fermière aimant les chèvres et soucieuse de leur bien-être. Dans le passé, il a eu un un gardiennage par quelqu’un de peu consciencieux et ses chèvres s’étaient enfuies en raison de parcs mal entretenus. Il était donc rassuré d’avoir une fermière méticuleuse qui connait les chèvres ce qui n’est pas toujours le cas des bergers qui font les estives.
10 bénévoles se sont joints à une journée d’installation qui s’est déroulée le 6 juin 2022. En plus de remettre en place le parc et le point d’eau, cette rencontre a permis de redéfinir les ambitions du projet qui a pour objectif de regrouper tous les intéressés et d’être reconnu par l’État et tous les organismes de protection.
La cheffe de projet a passé 60 heures à la coordination, le suivi de l’expérience auprès des différents protagonistes (fermière, éleveur, prometerre, logisticien, etc.) et à la rédaction des documents descriptifs du projet ce qui représente 5 800 CHF. 469 CHF ont été dépensés pour compléter le matériel déjà existants (piquets, isolateurs, bobine, poignées) lors de la pose le 6 juin 2022. Entre 2021 et 2022 ce sont 12 424 CHF qui ont été utilisés pour 2021 et 2022.
Les 10 chasseurs qui se sont déplacés le lundi de Pentecôte ont dit être motivés pour aider bénévolement dans le futur. La participation de candidats chasseurs a également été évoquée. Il faut souligner que la fermière a renforcé la clôture en fauchant tout le contour et elle a rajouté plus de 40 piquets pour en avoir un tous les 20 cm afin de s’assurer que le loup ne puisse pas passer en dessous des fils.
2 La bergère compte que ce travail vaut 1,50 CHF par jour par chèvre (26 inclus les 9 jeunes) ce qui revient à 3 393 CHF. L’éleveur des chèvres pense même que ce travail vaut bien 5 000 CHF pour l’estive car sortir le fumier hebdomadairement est une grosse charge de travail. La demande a été fait en fonction de l’effectif des animaux par le Conseiller de Prometerre qui a signalé que l’indemnisation devrait être entre 4 000 et 6 000 CHF.
Maintenant que le duo éleveur-berger est opérationnel pour les Arpilles, il s’agit de trouver d’autres éleveurs de chèvres sérieux et de voir où d’autres chèvres pourraient être estivées. Un détenteur de chèvres vaudois a été contacté et trouve le projet intéressant. Afin d’éviter une surcharge de travail, il est question de ne pas forcément rentrer les chèvres mais de tester de les garder à l’extérieur la nuit comme l’a fait responsable logistique en 2022 avec ses propres chèvres sans encombre. Un parrainage de chèvres pourrait être envisagé mais il est nécessaire de trouver un détenteur de chèvre qui a une infrastructure pour assurer l’hivernage des chèvres.
Création de l’Association Alpine Tetrao Tetrix (A.A.T.T.) a pour objectif de regrouper tous les savoirs qui existent pour combattre l’aulne verte afin de rouvrir les alpages sur les versants ombragés ainsi que d’augmenter les places de reproduction du tétras lyres. Rassembler les connaissances sur les différents modes de lutte développés permettra une centralisation des informations afin de créer des supports d’information de qualité nourris par des données scientifiques.
Le tétras-lyre est un oiseau emblématique connu de la majorité du grand public. Symbole de la montagne, c’est un très bon ambassadeur pour sensibiliser à la fermeture des milieux alpins et de fait, la diminution des alpages. Le tétras lyre a besoin d’une végétation hétérogène où il trouve de la nourriture dans les pâtures et de l’abri pour nicher dans les zones fermées. L’expansion de l’aulne vert diminue cette mosaïque de milieux, les réduisant à un sol ombragé et acide. L’information à ce sujet est primordiale pour maintenir la biodiversité des alpages. Des fonds seront cherchés pour que le projet puisse augmenter son ampleur et devenir un réel observatoire des pratiques testées pour combattre l’aulne vert en plus d’agir avec les chèvres sur 10 ha envahis par des vernes d’ici à 2040.
Un membre du Conseil national a sollicité le président du SCI helvetia pour qu’il assure le paiement de la bergère. Lui-même d’une famille d’éleveurs de vaches laitière et fervent défenseur des savoirs-faires montagnards, il considère que des gens fortunés comme le SCI Helvetia peuvent payer les bergers pour le travail fourni. Une fois qu’il a compris le principe de réouvrir les alpages en enlevant les vernes à travers un échanges donnant-donnant entre chevriers et fermiers, il a trouvé le projet très intéressant. L’aide des chasseurs pour le financement et la mise en place des parcs d’estive pour les chèvres est de plus très avantageux pour les éleveurs. Il a évoqué que le rumex était aussi une plante invasive qui était très répandue dans cet alpage et le travail pour l’enlever est important. Une aide à Madame Gander pour diminuer cette mauvaise herbe serait donc également bienvenue selon lui. C’est une action qui doit se faire en appliquant un produit reconnu sur chaque plant et qui pourrait être confier à deux des volontaires cas-échéant.
L’alpage des Arpilles est très envahi d’herbes indésirables selon lui. Entre le rumex, les fougères et l’aulne vert, il a peur qu’après Monsieur et Madame Gander, l’alpage soit abandonné par les éleveurs ou soit récupéré par un berger peu consciencieux et avec peu de bétail. Cela aurait pour conséquence un renfermement des milieux au-dessus du Col de la Croix qui serait fâcheux pour la diversité biologique des Diablerets.
Étant donné que le contrat de l’alpage dure 6 ans, et que la fin de contrat est en 2024, Madame Gander remarque qu’elle ne sait pas s’ils renouvelleront et que cela dépendra de leur santé. Il sera donc judicieux de suivre les fermiers qui pourraient être sélectionnées par la commune pour reprendre l’alpage des Arpilles. Un éleveur de vaches Higland pourrait être intéressant étant donné qu’Agroscope a montré que ce sont des bêtes rustiques qui se satisfont d’un fourrage de faible qualité et qui ont une action mécanique forte sur les arbustes. À suivre. Une meilleure connaissance bibliographique des tests réalisés en Suisse contre les vernes permettra une réflexion à ce sujet.
Enfin, il sera nécessaire de rassembler suffisamment de bénévoles pour remettre en place le parc dans les Arpilles, éventuellement agir sur le rumex, et clôturer un nouveau parc dans un autre alpage. La création de l’Association Alpine Tetrao Tetrix (A.A.T.T.) permettra d’ouvrir la participation à tous types de bénévoles afin de réunir chasseurs et autres amoureux des alpages pour une action favorable à la biodiversité dont le tétras lyre est un symbole.